Comparaison entre les méthodes d’entraînement

Comparaison entre les méthodes d’entraînement

– Traditionnelles et Progressistes –

par Jean Donaldson

Les modes de pensée relatifs à l’entraînement canin suivent un continuum. À une extrémité, on retrouve des entraîneurs qui utilisent des moyens aversifs tels la douleur, l’inconfort et le tressaillement. Les colliers étrangleurs, les vaporisateurs, les chocs électriques, les chaînes jetées près de l’animal pour le saisir de même que les bruits stridents en sont d’autres exemples. À l’autre extrémité se trouvent des entraîneurs qui emploient uniquement des récompenses – les donnant et les retirant – afin de modifier les comportements du chien. Finalement, au centre, on retrouve des entraîneurs qui utilisent les deux types d’approches dans des proportions variées. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Les entraîneurs qui emploient des méthodes aversives, que ce soit de façon abondante ou modérée, argumentent qu’elles sont un mal nécessaire si on ne veut pas voir les chiens se faire euthanasier à cause de problèmes comportementaux. Ils peuvent même dire que ce sont des moyens bénins et efficaces à l’accomplissement du travail. Ils utilisent fréquemment un langage moralisateur auprès du gardien (le chien « sait que ce n’est pas correct », mais il est délibérément insubordonné) tout en minimisant l’importance des effets secondaires potentiels de ces techniques, et ce, dans le but d’acquérir le consentement du gardien. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Les tenants du renforcement positif, dont je fais partie, soutiennent que les méthodes aversives ne sont pas nécessaires dans la grande majorité des cas et que les effets secondaires peuvent être dommageables et souvent désastreux. Ce groupe d’entraîneurs a également un travail à faire auprès des gardiens qui peuvent avoir toutes sortes de bagages culturels quant au fait de donner au compte-gouttes des récompenses de façon systématique pour des comportements que leur chien devrait faire par amour ou gratitude.

Il y a une vingtaine d’années, le courant de pensée en entraînement canin était largement constitué d’entraîneurs utilisant des méthodes aversives. On montrait aux chiens à marcher au pied, à s’asseoir, se coucher et rester, tout cela en utilisant un collier étrangleur. Si vous mettez la main sur un livre dédié à l’entraînement et publié dans les années 1970 ou 1980, vous y trouverez comme recettes à des problèmes comportementaux des ingrédients consistant en diverses punitions : quelle force utiliser sur le chien, utiliser la main ouverte ou fermée, sur quelle partie du corps frapper le chien, avec quel type d’arme frapper le chien, est-ce mieux de frapper le chien ou de lui lancer un objet ou de l’asperger avec une substance nocive, si on doit lui infliger de la douleur ou le faire sursauter ou s’en remettre à un élément de l’environnement pour y arriver ? Malgré le fait que nous ayons l’impression de nous trouver devant un choix de recettes multiples, elles varient toutes finalement sur un même thème : la punition physique. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

À la fin des années 1980, les entraîneurs canins ont commencé à changer leur fusil d’épaule (en anglais : crossing over), c’est-à-dire qu’ils ont commencé à abandonner la douleur et le tressaillement en tant que motivations et qu’ils se sont plutôt mis à utiliser de plus en plus et de façon plus sophistiquée l’utilisation du renforcement positif, selon les principes établis par BF Skinner. De nos jours, le terme « entraîneur mutant » ou « entraîneur transfuge » se réfère à un entraîneur qui utilisait par le passé des méthodes aversives, mais qui utilise maintenant des méthodes à renforcement positif. J’ai fait la mutation en 1987. Fait à noter, cette mutation est à sens unique : il n’y a pas eu et il n’y a pas de courants d’entraîneurs passant des méthodes positives aux méthodes aversives. Il existe actuellement – et cela constitue un développement très stimulant dans le domaine – une flopée d’entraîneurs n’ayant jamais utilisé de méthodes aversives. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

La plupart des notions que vous désirez enseigner à un chien peuvent être accomplies à l’aide de méthodes aversives ou non. Les deux types d’approches, si elles sont habilement utilisées, peuvent fonctionner. Cela dépend de ce avec quoi vous êtes à l’aise. Je n’ai jamais été à l’aise avec les méthodes aversives. Je me souviens d’un séminaire donné en 1986 par une entraîneure en obéissance de compétition, hautement reconnue, durant lequel elle nous a démontré ce qu’était un rapport d’objet forcé : on apprenait au chien à attraper rapidement dans sa gueule un haltère afin de faire cesser – et plus tard d’éviter – que l’entraîneure lui pince l’oreille. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Le pincement d’oreille est encore et toujours une technique utilisée quand on veut enseigner aux chiens à rapporter. Il arrive que des entraîneurs utilisant cette technique se défendent en disant que cela ne fait pas mal aux chiens. Quoique les chiens gémisent régulièrement, crient et mordent lorsqu’on leur pince une oreille, cela est rapporté comme étant un comportement théâtral, exagéré ou comme étant une manipulation de la part du chien. De plus, l’argument disant que cela ne fait pas mal au chien n’est même pas logique. S’il n’y avait pas de douleur, cela ne fonctionnerait pas. Il est évident que le pincement d’oreille provoque de la douleur – cela fait en sorte que le chien évite cette situation, c’est justement cela dont il s’agit !

Donc, lors du séminaire, l’entraîneure démontrait la technique sur l’un de ses propres chiens déjà entraînés. Le chien faisait du rapport d’objet sur une distance d’environ 9 m (30 pi). Il portait un collier à pointes relié à une laisse extensible. L’entraîneure a lancé l’haltère, puis a donné la commande au chien. Il a décollé immédiatement, puis, à mi-parcours, a lâché un cri strident. L’entraîneure avait mis le frein sur la laisse extensible, ce qui a fait entrer les pointes du collier dans le cou du chien. Elle s’est ensuite dirigée lentement vers le chien.

Lorsque le chien a vu l’entraîneure se diriger vers lui, il s’est affaissé sur le côté et s’est mis à uriner. Elle s’est approchée de lui et lui a pincé l’oreille tout le long du trajet menant à l’haltère. Le chien a crié tout le long du parcours. L’entraîneure nous a expliqué que la laisse extensible et le collier à pointe faisaient en sorte que l’animal coure assez vite. Cette fois-ci, il ne l’avait pas fait. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Cela m’a donné la nausée et je me suis levée, mon sang se vidant de ma tête. Je regardais autour de moi. Plusieurs des participants portaient un air stressé, mais personne ne s’est rué vers la porte ni n’a appelé la société protectrice des animaux. J’ose avouer que je ne l’ai pas fait non plus. J’aime croire que si j’avais eu à l’époque la confiance et la force de conviction que j’ai aujourd’hui, je l’aurais fait. Les gens prenaient des notes, consciencieusement, je me suis assise, les yeux pleins d’eau, troublée. Par bonheur, le chien a été remis dans sa cage et le séminaire s’est poursuivi. Ce soir-là, lors d’un souper regroupant les participants, l’entraîneure nous a montré l’ongle de son pouce, un ongle artificiel, en acrylique, bien aiguisé, qu’une manucure avait fabriqué expressément pour qu’elle puisse pincer plus fort. J’ai quitté la table, j’avais le haut-le-cœur. Sur quelle planète était-je donc ?

Un an plus tard, j’entraînais un Whippet à faire du rapport d’objets. Il n’avait absolument aucune aptitude à rapporter. En voyant sa petite face, je savais que j’étais destinée à être une « distributrice de bonbons ». Je l’ai tout d’abord conditionné à associer le son du clicker à une toute petite récompense alimentaire. Le son du clicker signifie « voici la récompense ». Je me suis donc mise à clicker chaque fois qu’il tournait la tête vers l’haltère que je tenais dans la main. Rapidement, il s’est mis à toucher l’haltère avec son museau, sans arrêt, récoltant récompense après récompense. Par la suite, je me suis mise à sélectionner les meilleures poussées de museau, celles démontrant le plus d’enthousiasme ou lorsqu’il mordillait légèrement l’haltère. À la fin de notre première session, il touchait l’haltère avec une certaine force, le mordillant occasionnellement. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Lors de la session suivante, je ne récompensais que les touchers où il mordillait l’haltère, puis ces derniers sont devenus de plus en plus fréquents. Au milieu de la session, il a placé l’haltère directement dans sa gueule : cette réponse magnifique lui a valu de récolter ce qui restait de récompenses dans mon sac. [Blog Canima – https://stealthily.wordpress.com/]

Une fois qu’il a eu l’habitude de prendre de façon régulière l’haltère dans sa gueule, j’ai pratiqué la durée du mouvement et lui ai appris que le jeu fonctionnait même quand l’haltère se retrouvait sur le sol plutôt que dans ma main. Il adorait ce jeu, un peu à la manière des cruciverbistes qui sont absorbés à résoudre des mots croisés.

Son rapport d’objets est devenu excellent. Il apprit également à jouer au Flyball, cette activité requérant un très bon rapport. J’ai appris le rapport d’objets à des douzaines de chiens en utilisant le façonnement par approximation successive. Cette technique spectaculaire a fonctionné à tout les coups. Lorsque je repense à ce pauvre chien se faisant pincer l’oreille, je renouvelle ma résolution de faire de l’entraînement avec renforcement positif la méthode de choix pour tous les chiens.

* Par progressiste, entendez « méthodes positives »

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