Ce qui m’impressionne…

Ce qui m’impressionne…

Texte écrit par Stéfan Marchand, en 2015.

Je viens de lire sur la page d’une amie comportementaliste canin un autre débat entre les pro méthodes punitives et les pro méthodes en renforcement positif (R+). Débat qui devient, il me semble, de plus en plus stérile malheureusement.

Une dame pro punitions qui participait à la discussion me demande si je suis impressionné par le niveau d’obéissance de ses chiens (elle me fait parvenir une courte vidéo) quatre bergers allemands qui marchent au pied sur un terrain privé et clôturé, qui s’arrêtent et s’assoient chaque fois que la dame arrête de marcher. Ils se couchent aussi sur demande et peuvent rester immobiles pendant plusieurs secondes, jusqu’à ce que la dame les « libère » et que les chiens s’approchent de la caméra, ce qui nous permet de bien voir leur collier électrique.

Impressionné vous dites ? Pas du tout ! Impressionné de quoi je devrais être exactement ? De voir des chiens avec deux électrodes sur leur cou et qui obéissent de peur de recevoir des chocs électriques ? Non qu’elle me répond, impressionné de l’efficacité du collier électrique, le fait que les chiens répondent instantanément aux commandes, sans hésiter. Et d’ajouter qu’un seul de ses chiens n’a pas bien répondu au collier électrique et a mordu son mari quand celui-ci a voulu le faire rentrer dans la maison. Un échec sur cinq, c’est tout de même 80% de succès! Et pour être bien certaine de ne pas culpabiliser pour avoir mis à mort un chien de 14 mois pour une raison comportementale, elle ajoute que manifestement son chien n’aurait pas pu être entraîné avec aucune autre méthode. Si le collier électrique n’a pas fonctionné, il était plus prudent de l’éliminer afin qu’il ne morde pas à nouveau. Convaincue, sans remords, pour le mieux, une fatalité quoi!

J’ai été moi aussi de la vieille école, j’ai cru à la hiérarchie humain-chien, j’ai mis des colliers étrangleurs sur mes chiens (mais jamais de collier électrique, ni à jets). De 1989 à 2002 j’étais un « traditionnaliste ». Puis, je suis retourné mettre mes connaissances à jour en 2003. J’ai mis de côté ce que j’avais appris en obéissance et en recherche et sauvetage, et j’ai fait place aux messages de Jean Lessard, Patrice Robert, Karen Pryor, Ian Dunbar et Jacinthe Bouchard. Tellement heureux d’apprendre que la punition n’avait pas scientifiquement prouvé son efficacité à long terme, soulagé d’apprendre qu’aucune hiérarchie n’existe entre les humains et les chiens. Des données scientifiques, pas des rumeurs, des légendes, des racontars. Des faits scientifiques obtenus avec un protocole de recherche, avec des échantillonnages représentatifs, avec une analyse et une interprétation rigoureuses.

J’étais heureux d’acquérir ces nouvelles connaissances. Mais ce qui m’impressionne le plus n’est pas en lien avec ces connaissances, ni avec l’entraînement ou le niveau d’obéissance du chien. Plus grand chose ne m’impressionne chez le chien de toute façon. Il a déjà tellement démontré ses capacités, son altruisme, son courage, sa loyauté, son attachement inconditionnel et sa capacité à nous faire rire.

Ce qui m’impressionne, ce n’est ni les chiens, ni leurs performances, ni même la stupidité humaine. Ce qui m’impressionne, ce sont les humains qui aiment réellement leur chien, qui respectent sa nature, qui cherchent à mieux le comprendre et qui voient en lui un être vivant, doté de sensibilité, pourvu de besoins et de grandes capacités d’apprentissage. Ce qui m’impressionne c’est cette dame qui demande mon aide un mois avant l’arrivée de Fido pour s’assurer de bien faire les choses, de prévenir au lieu de guérir. C’est cette jeune fille de huit ans qui explique à sa mère comment utiliser le clicker. C’est cet homme qui choisit d’investir du temps avec son chiot et qui refuse d’appliquer des méthodes punitives qu’un pseudo éducateur canin lui a suggérées. C’est cette dame qui s’installe sur un coin de rue le samedi PM avec son chiot de 10 semaines pour le socialiser le mieux possible avec les passants. Ce sont mes clients qui me demandent de les aider afin qu’ils puissent à leur tour aider leur toutou.

Ce qui m’impressionne, ce qui me touche, ce sont les humains qui prennent soin de leur toutou, ceux pour qui l’entraînement à l’obéissance n’a pas priorité sur la satisfaction des besoins de base de Fido, ni sur son bien-être. C’est grâce à eux si nous pouvons garder espoir qu’un jour les humains traitent respectueusement les animaux en général, incluant les chiens.

Si j’ai le bonheur d’assister à ce jour, je serai très très impressionné.

© Stéfan Marchand (2015)

2 réflexions au sujet de « Ce qui m’impressionne… »

  1. martine dumont

    merci Monsieur pour ce magnifique texte. Comme j’aimerais voir tous les chiens épanouis, bien dans leurs pattes, heureux de partager avec leur maîtres. Malheureusement il suffit de faire un tour dans un club canin pour entendre encore hurler et voir les pauvres bêtes se faire remettre à leur place par un affreux collier chainette, le tout avec brutalité pour « qu’il comprenne qui est le maître ». Et beaucoup de personnes font encore ça « parce qu’on leur dit de le faire » ! Vu mon âge, j’ai aussi connu cette méthode, mais des lectures en premier lieu, et des formations avec des personnes qualifiées ensuite, m’ont permis de passer à autre chose. Pour le plus grand bonheur des chiens que j’éduque aujourd’hui, et du mien en premier lieu.

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